Luxembourg : «On adapte le diabète à la vie»

Rencontre avec Lina, 13 ans, une adolescente qui affronte avec une grande maturité son diabète de type 1. Sa mère se bat pour que les parents aient des congés spécifiques pour gérer cette maladie envahissante.

La nouvelle est tombée un dimanche. Le 14 janvier 2018, Lina se retrouve aux soins intensifs. On met enfin un mot sur ses symptômes : diabète. « Cela faisait trois semaines que je n’allais pas bien, se souvient l’adolescente. Je me sentais faible, j’urinais tout le temps, j’avais des nausées… J’ai perdu 4 kilos. Le docteur pensait que j’avais une gastro.»
Ses parents n’en reviennent pas. Lina, diabétique? «Elle n’a jamais pris d’antibio de sa vie! Elle mange équilibré, elle aime les légumes, le poisson… Et puis elle est active, elle fait de la danse depuis son plus jeune âge», précise sa mère, Stéphanie Ravat.
Le diabète, mal connu, est pour beaucoup la maladie des gros, des vieux, des fainéants. Pas d’une enfant ayant une vie saine. Mais Lina a tiré le mauvais numéro : le type 1. Un diabétique de type 1 ne produit plus d’insuline. Il dépend donc d’injections quotidiennes d’insuline ou d’une pompe à insuline. «On ne connaît pas bien les causes de ce diabète. Cela peut être la pollution, la génétique, une infection durant l’enfance… Des membres de ma famille avaient ce diabète, donc il y a une piste génétique», estime Stéphanie.
À l’hôpital, Lina voit défiler les blouses blanches : «J’ai vu des diététiciennes, des infirmières qui m’expliquaient comment calculer les glucides à chaque repas…»
Sa mère : «Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai juste envoyé un message à mes employeurs pour leur dire que ma fille était en soins intensifs. Et ils ne m’ont plus vue pendant dix jours.» Le père de Lina, lui, n’a pas eu cette chance. Depuis, Stéphanie milite pour qu’un congé spécifique soit octroyé aux parents d’enfants diabétiques, afin d’avoir le temps d’apprendre à gérer cette maladie.
Vive les nouvelles technologies!
Car pour Lina et ses parents, tout est allé très vite. Trop vite. Une semaine après, elle sort déjà de l’hôpital. Un temps extrêmement court pour digérer la nouvelle, et surtout, se préparer au combat à venir. Mais Lina doit rapidement retrouver une vie «normale».
Huit mois plus tard, nous rencontrons Lina et sa mère chez elles, à Luxembourg. C’est une adolescente impressionnante de calme et de maturité, qui s’est adaptée rapidement à sa maladie. Sans se plaindre.
C’est l’heure du petit-déjeuner. Avant, elle buvait un jus d’orange tous les matins. Rien de pire pour le diabète : du sucre liquide qui fait augmenter la glycémie d’un coup! «Elle ne peut donc plus en boire, sauf si elle est en hypoglycémie (manque de sucre), ou après avoir mangé du gras, comme du lard, car cela ralentit la montée du sucre. Et on remplace les céréales pour enfants, blindées de sucre, par des céréales complètes.»
Son meilleur ami s’appelle maintenant FreeStyle Libre. Sur son bras, une sorte de gros patch remplace les traditionnelles piqûres sur les doigts. Il suffit de passer un lecteur devant le patch pour mesurer le taux de glucose de Lina.
Stéphanie : «Tous les jours, à minuit et à trois heures du matin, je vérifie sa glycémie. Au début, je devais la réveiller, la piquer au doigt… Maintenant, avec cet appareil, elle peut dormir, je ne la réveille même plus. Et je viens moins, car elle sait à combien elle doit être à minuit pour passer la nuit sans faire d’hypo.»
Enfin, presque! Lina montre son lecteur, qui indique ses évolutions de glycémie : «Cette nuit, j’étais en hypo, et je me suis trop « resucrée »», sourit-elle.
Stéphanie se souvient de débuts bien plus chaotiques : «Elle ne dormait pas la nuit, il fallait la resucrer plusieurs fois. Le matin, je l’emmenais au lycée en retard, je filais au travail. Mais l’infirmière m’appelait parce qu’elle faisait une hypo, donc je venais la rechercher. Ensuite, j’allais former les profs, j’emmenais Lina à l’hôpital…» Et bien d’autres péripéties!
Un des plus gros défis fut la question des repas. Lina : «Au début, pour chaque repas, on devait appeler le médecin pour être sûr qu’on avait fait les bons calculs de glucides.» Elle est d’ailleurs devenue une spécialiste des tableaux en croix : «J’ai remonté mes notes en maths, je suis passée de 9 de moyenne à 14», rit-elle.
À la cantine, il a fallu aussi trouver une solution, poursuit la maman : «Elle faisait une photo de son repas, et moi, j’évaluais le poids des aliments. J’ai vite appris à le faire, à l’œil.» Lina se débrouille désormais toute seule. Car face au diabète, tous les pays ne prônent pas la même méthode. «En France, ils mettent des doses d’insuline régulière, et les personnes doivent manger les quantités de glucides correspondant à cette dose d’insuline. Donc on adapte la vie au diabète. Au Luxembourg, c’est le contraire : on adapte le diabète à la vie. On calcule tous les glucides qu’on ingère, puis la quantité d’insuline correspondante. Cela permet de vivre plus normalement après.»
Le retour à la vie normale, c’est aussi l’école, la danse, les copines… Leur réaction? «J’étais contente de les revoir. Elles me demandaient comment j’allais, elles voulaient comprendre, car le diabète, elles connaissaient souvent juste le nom», constate Lina.
Une prof pas très au point sur le diabète
Elle a donc décidé de faire un exposé devant sa classe. «J’ai expliqué les symptômes, les causes, car les gens croient que le diabète vient parce qu’on a mangé trop de sucre avant. Ils avaient l’air vraiment intéressés. J’ai même fait essayer à un élève le dextro, pour piquer son doigt et mesurer sa glycémie, et tout le monde était impressionné.» Et les profs? «Ça va, ils comprennent. Même si des fois, je dois manger en classe, car je suis en hypo.»
Stéphanie : «Il y a eu quand même une prof qui a dit qu’elle savait que Lina avait eu des « petits problèmes de santé », mais qu’elle aimerait qu’elle retrouve la même concentration qu’avant.»
Une méconnaissance de la maladie : «Les pics de glycémie provoquent des troubles de la concentration. Quand on est en hypo, c’est foutu pour un quart d’heure, car le cerveau est en manque de sucre. Quand on est en hyper, on a des troubles de la concentration. Donc revenir à la même concentration qu’avant, ce n’est pas possible», soupire sa mère.
Qui tient, aussi, à remercier le centre hospitalier de Luxembourg : «Le CHL est génial, c’est vraiment un centre spécialisé qui a très bien pris en charge Lina.» D’ailleurs, il organise une fois par an un week-end avec des enfants diabétiques. «Cette année, on est allé dans un château au Luxembourg, c’était sur le thème de la danse en plus. Je me suis fait plein d’amis, et on a partagé nos expériences», sourit Lina.
«Un jour la joie, un jour la tristesse, tous les jours le sourire.» Un dicton que le diabète de Lina n’a visiblement pas su faire mentir.

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