Diabète : la face cachée d’une maladie sournoise

Malbouffe et sédentarité en sont les facteurs déclencheurs

Par : Hattou Hanafi

Une récente étude effectuée sur un échantillon hétéroclite dans la ville de Mila a confirmé la progression vertigineuse de cette pathologie.

Le diabète connaît une poussée exponentielle en Algérie. Le taux de prévalence de cette pathologie est passé du simple au double. Les dernières statistiques d’une étude épidémiologique qui vient d’être achevée sont éloquentes. En effet, les conclusions de cette enquête menée dans la ville de Mila sous la houlette du professeur Lezzar, chef de service d’endocrinologie du CHU de Constantine, donnent froid dans le dos.
Le dernier taux officiel de fréquence du diabète était de 8,9% de la population adulte, selon l’enquête du professeur Malki du CHU de Sétif réalisée en 1998. Quinze ans plus tard, la prévalence a atteint les 15,95%. Selon le coordinateur de l’enquête, le Dr Nouhad Naâmane, cette étude autorisée par le ministère de la Santé a été menée selon les paramètres et les normes arrêtés par l’OMS. Les enquêteurs ont interrogé aléatoirement un échantillon de 1 090 personnes dans 21 districts sur 61 que compte la ville de Mila. Notre interlocuteur approché en marge du 5e Sommet national sur le diabète, organisé hier à Alger, a précisé que cette enquête a ciblé une population hétéroclite dont l’âge oscille entre 30 et 60 ans. Il précisera encore que le sondage dont les résultats ont été consolidés à l’EPSP de Mila a touché d’autres bras pathologiques, à savoir l’hypertension artérielle, l’obésité et la dyslipidémie (le cholestérol). Les taux de fréquence auxquels sont parvenus les médecins sondeurs sont alarmants. L’hypertension a atteint les 32%, l’obésité 40%, le cholestérol se situe à hauteur de 25% de la population interrogée.
Le docteur Nouahad n’y est pas allé par quatre chemins pour mettre le doigt sur les causes de cette situation effrayante en Algérie. La raison principale réside, dit-il,  dans le nouveau style de vie de l’Algérien. La mauvaise alimentation a laborieusement conquis les mentalités. L’Algérien jette sa prédilection sur la bouffe occidentale dite rapide avec ce qui vient avec comme soda  (fast-food et consorts). Et ce qui aggrave davantage la situation est inévitablement la sédentarité. Les conclusions de l’étude ont rarement mis en cause les facteurs génétiques. Cette unique étude achevée en février dernier a été d’ailleurs saluée par le professeur Mansour Brouri qui a mis, hier, la casquette du modérateur des travaux du
5e Sommet national sur le diabète organisé par Pfizer Pharma Algérie dont le thème de cette édition s’intitule “La face cachée du diabète”. Au vu de la teneur de l’enquête de Mila, le professeur Mansour Brouri a insisté sur la nécessité de la mise en place des programmes de santé publique pour empêcher, un tant soit peu, la survenue de ces maladies. En fait, il est temps que tous les acteurs politiques et autres s’y mettent sérieusement, et ce, dans l’espoir de freiner l’explosion de cette maladie pernicieuse, d’autant que les pouvoirs publics n’ont pas encore établi la facture du diabète.
“Pour le moment, on dépense en Algérie sans calculer.” Néanmoins, il faut savoir qu’aux États-Unis, le diabète coûte plus de 300 milliards de dollars. Le nombre de diabétiques avancé, selon certaines sources du ministère de la Santé, est de 1,5 million, mais ce chiffre a été battu en brèche par les spécialistes présents au congrès. L’on a avancé 3 millions de diabétiques en Algérie, en arguant que 50% de la population adulte n’a pas suivi de dépistage.
Parmi les faces cachées du diabète mises à nu par les professeurs qui se sont succédé à la tribune figurent, entre autres, la douleur neuropathique (DNP) et le risque cardiovasculaire. Les intervenants ont attiré l’attention des professionnels de la santé qui, souvent, omettent de traiter la DNP, surtout si le diabétique ne se plaint pas à son médecin traitant de cette douleur. Si cette douleur n’est pas prise en charge, elle deviendra une maladie à part entière, comme l’a souligné le professeur Nadia Fellah du CPMC. Pour sa part, le Dr Samir Aouiche a fait un exposé sur une étude récente réalisée au CHU Mustapha et qui a ciblé les diabétiques traités au niveau de ce CHU. Cette étude a confirmé que 50% des cas des malades après quinze ans développent une neuropathie. Et la neuropathie est responsable de 50 à 75% des amputations subies par les diabétiques. Les participants ont conclu que la neuropathie est un problème de santé publique. Les professionnels de la santé et les pouvoirs publics sont avertis puisque les conséquences représentent un lourd fardeau, aussi bien pour le patient que pour la société.

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