Le traitement intensif et la pompe à insuline Formule rêvée de gestion de la glycémie ou cauchemar métabolique

par Patty Colombe, RN


Le visage du diabète a changé beaucoup et souvent au fil des années. Au tout début, le diabète était considéré comme une maladie dévastatrice qui ravageait l’organisme, affectait les enfants et les jeunes adultes et les amenait à littéralement dépérir et mourir de faim. Avec le temps, on a découvert une affection semblable chez les adultes qui, elle aussi, ravageait l’organisme, mais à vitesse considérablement plus lente.
Dans les premières années de ma carrière d’infirmière, peu d’adultes plus âgés étaient soumis au dépistage de l’hyperglycémie. On ne semblait pas très bien comprendre le diabète de type 1, et encore moins le diabète de type 2. Au cours des dix dernières années, il y a eu beaucoup d’innovation au niveau de la recherche, du dépistage, de l’éducation et de la gestion des deux types de diabète.
La plus grande percée pour les équipes de traitement de première ligne est probablement l’étude DCCT portant sur la surveillance et les complications du diabète. Cette étude cherchait à prouver que la surveillance plus stricte de la glycémie entraîne une incidence moins élevée des complications considérées inévitables chez les personnes atteintes de diabète de longue durée. Dans le cadre de cette étude, des diabétiques de type 1 devaient être suivis pour une période de dix ans. Parmi eux, un groupe devait utiliser l’insulinothérapie conventionnelle prévoyant une ou deux injections par jour, tandis que l’autre groupe a appris à suivre un régime insulinique semblable à une échelle d’ajustement des doses, sauf que la dose d’insuline était rajustée non pas uniquement en fonction de la glycémie, mais de manière plus calculée pour tenir compte de l’activité physique quotidienne et de l’ingestion de glucides. La glycémie était surveillée jusqu’à huit fois par jour pour permettre à l’équipe de déceler les tendances. Avant la fin de la période de dix ans, le traitement intensif a été reconnu comme un moyen efficace de traiter le diabète. L’incidence de complications était moins élevée, ce qui ouvrait la voie à une vie plus longue et à une meilleure santé pour les personnes ayant un diagnostic de diabète.
Le problème le plus épineux posé par le traitement intensif était alors et, dans une certaine mesure demeure encore, la fréquence de l’hypoglycémie. Toutes les incidences d’hypoglycémie ont été documentées et le régime de traitement a été révisé. Au cours de l’étude DCCT, une des conséquences de l’hypoglycémie fréquente a été notée en détail ou mise en valeur, mais est apparue seulement lorsque le traitement intensif est devenue plus courant : il s’agit du mauvais contrôle de l’insuline et de l’ingestion de glucides.
Au cours des dernières années, la gestion du diabète reposait sur le calcul des glucides. La meilleure façon d’utiliser ce calcul consiste à utiliser une quantité prescrite de glucides, puis de déterminer la quantité d’insuline nécessaire pour maintenir la glycémie dans une plage de valeurs appropriée. Cette quantité de glucides est formulée avec soin en tenant compte de divers facteurs, y compris le sexe, le type corporel et l’activité physique. Les multiples injections d’insuline dans la journée imitent la réponse naturelle de l’insuline endogène à l’apport de glucides. Au cours de l’étude DCCT, les facteurs et les déterminants ont été passablement contrôlés. Une fois les constatations recueillies et évaluées, le traitement intensif a été intégré à la vie de tous les jours de la population diabétique de type 1.
C’est ici que le mauvais contrôle de l’ingestion de glucides et de l’apport d’insuline a commencé à montrer ses effets indésirables. Pendant l’étude, la glycémie était mesurée avec rigueur et l’insuline ajustée en conséquence. Les participants étaient suivis de près, comme ce serait le cas dans les centres d’éducation/de traitement du diabète dans le meilleur des mondes.
Un grand nombre de centres d’éducation en diabète, sinon la plupart, ont commencé à utiliser le traitement intensif et le calcul des glucides peu après la publication des résultats de l’étude DCCT. Les médecins et les éducateurs en diabète étaient ravis de pouvoir offrir à leurs clients la possibilité de mieux contrôler leur glycémie. Seulement, le système a une lacune : beaucoup de centres d’éducation en diabète ne disposent pas des ressources nécessaires pour offrir un suivi adéquat une fois le régime insulinique de multiples injections quotidiennes entamé.
Une autre difficulté posée par le traitement intensif est le calcul des glucides. Au niveau le plus élémentaire, le calcul des glucides exige que la personne sache comment utiliser la quantité de glucides par repas de façon à donner plus de variété à son régime alimentaire. La personne doit absolument savoir comment lire les étiquettes et bien comprendre le contenu en glucides de chaque groupe alimentaire. Les personnes suivant un traitement intensif doivent également savoir comment tenir compte de l’augmentation et de la diminution de l’apport de glucides et de l’activité physique. Pour rendre ce mode de traitement du diabète plus pratique, on recommande souvent la pompe à insuline aux personnes qui ont un mode de vie irrégulier ou une aversion aux injections ou les deux.
L’une des lois de la physique veut que toute action entraîne une réaction égale et contraire. C’est un point qu’il faut garder à l’esprit lorsque l’on essaie d’amener des personnes ayant un horaire irrégulier à faire des choix plus pratiques dans son mode de vie.
En fait, tout est dans la régularité du mode de vie : avec les clients qui ont un mode de vie irrégulier, les médecins de famille, les éducateurs en diabète et les autres professionnels de la santé devraient réévaluer si ces clients sont capables de faire une auto-surveillance adéquate de leur glycémie. La résistance à l’insuline se développe lorsque la personne n’a pas ou ne peut pas avoir de repas réguliers. Ajoutez à cela les doses accrues d’insuline nécessaires pour compenser un apport plus grand de glucides, et voilà que vous avez un terrain propice pour accroître les facteurs de risque qui, à leur tour, accroissent l’incidence de complications.
Très souvent, les diabétiques de type 1 et les professionnels de la santé eux-mêmes ne prennent pas en considération le risque associé avec la coexistence de l’obésité et de la circulation excessive d’insuline dans le sang. Bien que l’effet de l’insuline sur le tissu des muscles lisses ne soit pas bien compris, il est quand même visuellement évident. Une fois le traitement insulinique commencé et les doses d’insuline augmentées, on peut s’attendre à ce que le poids de la personne augmente de 2 à 5 kilos. Les mères atteintes de diabète gestationnel ou de diabète préexistant et dont la glycémie dépasse 8 mmols au troisième trimestre de la grossesse accouchent souvent de bébés pesant plus de 4,1 kilos. Cela est dû au fait que le fœtus est obligé de sécréter plus d’insuline pour venir à bout de l’apport glycémique excessif. La production accrue d’insuline entraîne des changements cellulaires qui donnent lieu à un gain de poids. Lorsque la quantité d’insuline dans l’organisme demeure excessive pendant longtemps, les cellules perdent leur sensibilité et deviennent inefficaces.
Après de nombreux déboires et de multiples recherches, on a conclu que la plupart des diabétiques de type 2 avaient effectivement une résistance à l’insuline. On a également trouvé que cette résistance à l’insuline était attribuable avant tout à des comportements erratiques dans le mode de vie. Dans ma clinique, pour ne compter que celle-ci, nous accueillons chaque année des clients âgés de moins de 35 ans présentant de l’hyperglycémie causée par la résistance à l’insuline. Très souvent, ils n’ont pas d’antécédents familiaux de diabète. Les facteurs communs sont l’activité physique sporadique ou minimale, l’irrégularité des repas et l’obésité abdominale. L’obésité n’est pas toujours apparente. La personne peut avoir les bras et les jambes plutôt minces et présenter un IMC acceptable ou quasi acceptable, mais quand même avoir un petit bedon visible. La répartition de la graisse est plus importante que la masse corporelle qui, bien sûr, est plus évidente mais ne constitue pas nécessairement le meilleur indice de résistance à l’insuline. Le ratio taille-hanches s’avère un meilleur déterminant.
Tout ceci nous ramène à notre question initiale : comment un mode de vie irrégulier affecte-t-il les efforts que nous faisons pour parvenir à une surveillance optimale de la glycémie et à une meilleure santé?
Ce n’est réaliste de s’attendre à ce que Gertrude ne fasse jamais la grasse matinée ou à ce que Jean-Paul ne mange jamais de tablette de chocolat. Cependant, continuellement sauter des repas ou les prendre en retard, ou manger de la bouffe-minute et de la malbouffe causent inévitablement un gain de poids, ce qui provoque des problèmes métaboliques même chez les personnes relativement en santé : comment ces pratiques affecteront-elles les personnes dont le métabolisme est déjà affaibli?
On a découvert que, dans la résistance à l’insuline, l’hypertension précède l’hyperglycémie. Voyons comment la résistance à l’insuline agit sur les vaisseaux sanguins.
Contrairement aux personnes dont le métabolisme est stable, les diabétiques de type 1 n’ont pas d’insuline disponible « au besoin ». Pour cette raison, ils ont plus d’insuline en circulation dans le sang. Une période prolongée d’hyperinsulinémie donnera lieu à un certain degré de résistance à l’insuline. Il va sans dire que les personnes qui ne contrôlent pas beaucoup leur glycémie développeront une résistance à l’insuline. Vu cette résistance, les signes précoces d’insuffisance rénale apparaîtront en raison de l’hypertension essentielle prématurée, avant que d’autres organes ne soient affectés. En attendant, la glycémie continue de grimper à mesure que les cellules de l’organisme deviennent insensibles à l’insuline disponible. En augmentant les doses d’insuline pour compenser la glycémie élevée, la résistance continue à l’insuline cause une accélération des dommages causés aux vaisseaux sanguins et tous les organes finissent par devenir affectés.
En résumé, le traitement intensif et l’usage de la pompe à insuline représentent d’importants progrès dans le traitement du diabète. TOUTEFOIS, je crois fermement que la première étape à franchir pour obtenir une glycémie normale ou presque consiste à rajuster les comportements. Ce régime de traitement ne peut pas être considéré comme un moyen de faire tout ce qu’on veut. Au fil des années, la gestion du mode de vie est devenue la pierre angulaire de la prévention des maladies, et remet à la personne la responsabilité de ses résultats de santé. Tout cela s’applique aussi aux diabétiques de type 1, qui très souvent, sont susceptibles à des maladies chroniques débilitantes et devraient adhérer le plus possible à un mode de vie sain. C’est leur choix, leur décision.
Le traitement du diabète a bel et bien évolué. À l’avenir, le plus grand progrès pourrait être de permettre à la population diabétique de prendre sa propre santé en main.

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