« Ce qui compte, c’est d’en finir avec les changements », explique le Dr Patricia Beudin

Plantes et animaux ont en commun une horloge biologique interne qui permet d’adapter les organismes à leur environnement. Mais seuls, les humains ont l’habitude de la décaler artificiellement. Les scientifiques montrent que cette manipulation saisonnière n’est pas sans conséquences sur la durée et la qualité du sommeil. © Illustration Thierry Lindauer

Spécialiste au centre du sommeil du CHU de Clermont, le Dr Patricia Beudin est « contre le changement d’heure : peu importe que l’on reste à celle d’hiver ou d’été ». Pour s’en remettre, il faut entre deux et six jours. Avec des conséquences sur l’organisme, le sommeil et la santé. 

Les Européens s'apprêtent à vivre ce qui sera probablement l'un des tout derniers passages à l'heure d'hiver.
Au Centre du sommeil basé au CHU de Clermont-Ferrand, l'heure qu'il conviendra d'adopter n'est pas cruciale : « Ce qui compte, c'est d'en finir avec les changements », explique le Dr Patricia Beudin.
« Le changement que l'on subit au passage à l'heure d'hiver est moins catastrophique que le passage à l'heure d'été ! » Le recul de mars est le plus souvent vécu par les organismes comme la suppression pure et simple d'une heure de sommeil.

1 Nos horloges internes trinquent. Tout comme on ne peut pas dire l'organisme d'un gros dormeur de réduire sa nuit, on n'impose pas à l'organisme de se décaler brutalement d'une heure parce que ça nous arrange. Pour faire court : les changements d'heures saisonniers affectent le sommeil d'un individu, lequel affecte son fonctionnement.
2 Comment ça fonctionne. Notre organisme est fait de rythmes que l'on ne manipule pas sans conséquences !
On n'en finit pas de découvrir l'importance des rythmes circadiens : ils calent les organismes sur 24 heures et sur l'alternance jour\nuit. Ils sont tellement utiles que l'an dernier, le prix Nobel de médecine a été décerné à deux généticiens pour leurs travaux sur les mécanismes moléculaires de l'horloge biologique interne et ses conséquences sur l'organisme, le sommeil et la santé !
L'autre réglage que bousculent les décalages saisonniers, c'est l'homéostasie qui permet à chaque individu de maintenir son quilibre malgré les contraintes externes : on sait désormais qu'il faut un temps d'activité précis pour que la pression du sommeil s'exerce, et inversement.
3 Des conséquences parfois dramatiques. « Selon les individus, il faut entre deux et six jours pour s'en remettre », explique la spécialiste du sommeil.
Vous pensez donc que l'on ne meurt pas d'un décalage saisonnier ? Et bien si. « On voit une augmentation de 5 % des infarctus lors du passage à l'heure d'été, explique le Dr Beudin. Ce n'est pas anodin ! »
Le lien est plus évident à faire entre les pics d'accidentologie et le passage à l'heure d'été. Accidents sur les chantiers le matin, et, surtout, sur la route.
En mars, il faut soudain aller travailler encore plus près de l'heure où les rythmes chronobiologiques imposent la pression d'endormissement la plus forte sur l'organisme… On mesure le risque de s'endormir au volant. « Sur autoroute, la somnolence due à la dette de sommeil est la première cause d'accidentologie », rappelle le médecin.
Quant à la dette de sommeil engendrée ? Elle est logiquement moins pénalisante si l'on est plus apte à se resynchroniser : contrairement aux idées reçues, les personnes âgées s'adaptent souvent mieux, mais les enfants et les gros dormeurs sont plus affectés. Les conséquences ne sont pas négligeables : insuline moins efficace sur le diabète, incidence sur la prise de poids (perturbation de la sécrétion de ghréline et leptine, les hormones régulatrice de l'appétit), sur l'humeur, sans parler des fonctions de récupération physiques et intellectuelles…
Anne Bourges

https://www.leveil.fr/puy-en-velay/faits-divers/sante-medecine/2018/10/27/ce-qui-compte-cest-den-finir-avec-les-changements-explique-le-dr-patricia-beudin_13032905.html

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